mercredi 21 avril 2010

Le christ philosophe - Frédéric Lenoir

Pourquoi la démocratie et les droits de l'homme sont-ils nés en Occident plutôt qu'en Inde, enChine, ou dans l'Empire ottoman ? Parce que l'Occident était chrétien et que le christianisme n'est pas seulement une religion. Certes, le message des Evangiles s'enracine dans la foi en Dieu, mais le Christ enseigne aussi une éthique à portée universelle : égale dignité de tous, justice et partage, non-violence, émancipation de l'individu à l'égard du groupe et de la femme à l'égard de l'homme, liberté de choix, séparation du politique et du religieux, fraternité humaine. Quand, auIVe siècle, le christianisme devient religion officielle de l'Empire romain, la sagesse du Christ est en grande partie obscurcie par l'institution ecclésiale. Elle renaît mille ans plus tard, lorsque les penseurs de la Renaissance et des Lumières s'appuient sur la 'philosophie du Christ' selon l'expression d'Erasme, pour émanciper les sociétés européennes de l'emprise des pouvoirs religieux et fonder l'humanisme moderne. Frédéric Lenoir raconte ici le destin paradoxal du christianisme - du témoignage des apôtres a la naissance du monde moderne en passant par l'Inquisition - et nous fait relire les Évangiles d'un oeil radicalement neuf.


Ce qu'on en dit...
La philosophie du Christ est la base de notre civilisation

Pourquoi, s'est interrogé l'auteur, la démocratie et les droits de l'homme sont-ils une invention occidentale, si ce n'est qu'ils dérivent du message chrétien? Un message essentiel de justice, partage, respect de l'autre, générosité, tolérance et liberté, si souvent trahi par l'institution censée le propager? Dans un passage des "Frères Karamazov"considéré par Freud comme un des plus beaux textes de la littérature mondiale, Dostoïevski raconte que selon une légende, le Christ serait retourné à Séville au XVIe siècle, et que le grand inquisiteur lui aurait dit: "nous avons corrigé ton œuvre, en la fondant sur le miracle, l'autorité et le mystère."

Dès le IVe siècle, lorsque le christianisme est devenu la religion de l'empire, les chrétiens de persécutés sont devenus persécuteurs, tournant ainsi le dos au message évangélique. Le grand philosophe danois Soeren Kierkegaard écrit avec humour:
"Dans la somptueuse cathédrale, voici paraître le Très Révérend et Très Vénérable prédicateur secret et général de la Cour, l'élu du grand monde; il paraît devant un cercle choisi d'une élite choisie et il prêche avec émotion sur ce thème qu'il a lui-même choisi: "Dieu a choisi ce qui est humble et méprisé dans le monde" et personne ne rit !" Kierkegaard avait une tellement haute idée du christianisme qu'il répugnait à se dire chrétien, s'en jugeant indigne dans une étrange modestie.

L'appât du pouvoir et des richesses ont éloigné l'Eglise des valeurs évangéliques pendant des siècles, et ce n'est visiblement pas fini quand on voit les richesses du Vatican ainsi que les propos si peu chrétiens de certains prélats actuels, au plus haut niveau de l'institution.

Dans une première partie du livre, Frédéric Lenoir explicite les fondements réels du christianisme, les profondes valeurs du message du Galiléen, puis poursuit l'histoire de l'Eglise en faisant un inventaire non exhaustif des trahisons du message christique. Les meurtres, l'inquisition, le commerce des indulgences, l'accumulation de richesses matérielles furent pendant plus d'un millénaire la règle absolue. Et puis... un renversement s'est produit, avec le siècle des lumières. Il serait injuste de n'en retenir que la terreur et les guillotinages de masse, et incorrect d'y voir une idéologie athée, alors que tous les penseurs français étaient profondément imprégnés de christianisme, et qu'ils avaient fait leurs études dans les écoles chrétiennes, les seuls d'ailleurs qui existaient à l'époque. Contrairement à ce que certains voudraient bien nous faire croire, la révolution française était un phénomène profondément chrétien, et la devise "Liberté, égalité, fraternité" directement inspirée des enseignements de Jésus. Les philosophes des Lumières n'étaient pas athées, ils croyaient en un dieu transcendant et totalement étranger aux pratiques ecclésiastiques. Pour eux, le discours clérical dogmatique était un signe d'un obscurantisme devant être combattu pour libérer la raison. Quand Voltaire disait "Tuons l'infâme", il s'agissait pour lui de lutter contre la vision d'un Dieu aux passions humaines, justifiant la tyrannie des clercs. La "religion naturelle" prônée par Voltaire visait avant tout à croire en un Etre Suprême et en une morale universelle, naturelle, plus proche des enseignements originaux de Jésus. Le meurtre abominable du chevalier de La Barre, écartelé et torturé pour avoir refusé de se découvrir devant une procession de capucins fut un électrochoc pour lui.

On cite souvent la phrase de Nietzsche "Dieu est mort" en la retirant de son contexte. La suite de cette citation est: "Et c'est nous qui l'avons tué". Ce que Nietzsche récusait, c'était
"un Dieu aussi dérisoire, étriqué, ure projection de l'esprit humain, né des exigences de la morale chrétienne".

Mais que reste-t-il en nous de chrétien, s'interroge Lenoir dans son dernier chapitre. Alors que les religions semblaient moribondes il y a deux décennies, elles opèrent actuellement un retour en force, avec le créationnisme et l'intégrisme religieux étatsunien et musulman, mais ces tendances restent heureusement minoritaires. Actuellement, la proportion d'athées purs et durs est très faible: moins de 5% en Europe et aux Etats-Unis, avec une pointe de 14% en France. La majeure partie de la population est formée de ce que l'auteur appelle des "chrétiens culturels", c'est-à-dire de gens qui adhèrent profondément au message d'amour de liberté et de tolérance de Jésus, tout en prenant leurs distances vis-à-vis des religions institutionnalisées.

L'épilogue de celivre est consacré à un des textes les plus importants des évangiles, celui de la rencontre de Jésus avec la Samaritaine: "Si tu savais le don de Dieu". Tout est dit... Et si bien dit.

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