mardi 26 octobre 2010

La révolution de l'amour : pour une spiritualité laïque - Luc Ferry


C'est une évidence qui crève les yeux, qui traverse et bouleverse en permanence nos vies privées et dont, pourtant, nous osons à peine parler en dehors de l'intimité : c'est l'amour qui met du sens dans nos vies.
Tout le monde le sait, tout le monde le sent. Ce qui est moins évident, et qui fait l'objet de ce livre, c'est que cette nouvelle puissance de l'amour révolutionne les principes fondateurs de la philosophie et de la politique. Le cosmos des Grecs, le dieu des monothéismes, la raison et les droits de l'humanisme républicain planaient très au-dessus de la vie sentimentale. Tardivement, sous l'effet d'une histoire encore méconnue, celle des unions amoureuses librement choisies, la passion a peu à peu remplacé les traditionnels foyers de sens et les anciennes valeurs sacrificielles.
Qui voudrait encore, du moins en Europe, mourir pour Dieu, pour la Patrie, pour la Révolution ? Personne ou presque, mais pour ceux que nous aimons, nous serions prêts à tout. Par-delà l'humanisme des Lumières et ses critiques, par-delà Kant et Nietzsche, une nouvelle spiritualité laïque naît de la sacralisation de l'humain par l'amour. Ce livre raconte son histoire. Il dévoile ses liens secrets avec une autre aventure, celle de la vie de bohème.
Surtout, il tente d'en tirer les conséquences philosophiques sur les plans culturel, moral, politique et spirituel. Car elle va changer notre regard sur le monde comme notre capacité à le transformer...


Ce qu'on en dit...
Les raisons d'un succès: Luc Ferry

L'homme est sacré

Pascal Bruckner applaudit à la spiritualité laïque défendue par Luc Ferry dans son nouvel essai, «la Révolution de l'amour»

Luc Ferry est spécialiste des fresques philosophiques : de livre en livre, embrassant les siècles, il retrace la généalogie de notre temps, repérant les lignes de force, les tendances émergentes. Lassé par la morosité ambiante - nous ne croyons qu'à ce qui disparaît, jamais à ce qui surgit - il affiche ici l'ambition de fonder une nouvelle figure du sacré, basée sur l'homme et non les dieux.


Trois événements ont, selon lui, caractérisé le XXe siècle. En premier lieu, la déconstruction des valeurs initiée par Nietzsche jusqu'à Heidegger et Derrida. Cette démolition, parfois géniale, des traditions s'est traduite en art et en politique par le phénomène des avantgardes et, sur le plan social, par l'émergence d'un type humain nouveau : le bohème. Rapins, « fumistes », hippies se veulent les ennemis jurés du bourgeois et de ses conventions. Mais, deuxième élément marquant, les bohèmes « n'ont été pour l'essentiel que le bras armé du capitalisme mondialisé, l'instrument de la réalisation parfaite de la société de consommation ».

Luc Ferry montre comment Mai-68, en arasant l'autorité et les tabous, a permis l'émergence de l'individu consommateur, affamé de nouveautés, aussi vite appâté que lassé. Sous les pavés, non pas la plage mais la Bourse, le marché. Il note la connivence entre les grands capitaines d'industrie, comme François Pinault, et l'art contemporain le plus en pointe, les uns et les autres soucieux d'innover dans la bataille de la globalisation. Enfin, troisième trait, l'invention du mariage d'amour qui fait de l'affection le ciment de la cellule conjugale et familiale. Si nul, en Europe du moins, n'est prêt à mourir pour Dieu, la Patrie ou la Révolution, la figure du sacré s'incarne désormais dans l'être aimé. C'est pour protéger ceux que nous chérissons que nous pourrions aller jusqu'au sacrifice suprême.

Pour en arriver là, il a fallu que le salariat se répande dans la société et représente une forme d'émancipation, le moyen d'échapper à la surveillance de la communauté et des familles, en partant travailler dans les villes. Comme Marx l'avait vu, le capitalisme fut en même temps un formidable outil de libération et d'exploitation. Le mariage d'amour a pour corrélat le divorce, porte de sortie indispensable, et la laïcité, la liberté de choix, pour qui n'est plus soumis à la tutelle du prêtre et du clocher.

Saluant au passage la figure de Pic de la Mirandole, expliquant l'histoire d'Ulysse et l'épopée de Gilgamesh, Ferry défend la vision d'une spiritualité laïque. Avec une virtuosité et un talent pédagogique, incontestable, il allie profondeur et clarté, refusant de céder au défaitisme dominant sans se dissimuler l'ampleur des défis qui nous attendent.

Pascal Bruckner

http://bibliobs.nouvelobs.com/20101006/21594/lhomme-est-sacre

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