par Audrey Rémond
'La Solitude des nombres premiers' ou l'histoire parallèle de deux âmes en souffrance diluées dans le monde, voguant sur les eaux stagnantes d'un marais sans fond. Le récit tissé de deux esseulés toujours en lisière de la vie, qui ont ”reconnu leur solitude dans celle de l'autre”. Mattia, à l'origine malgré lui de la disparition de sa soeur, jumelle de surcroît, semble enseveli sous le poids terrible de la culpabilité. Seul l'univers désincarné des mathématiques apaise sa douleur. Quant à Alice, victime d'un grave accident, elle se réfugie, boiteuse, derrière les images sans bruit de la photographie... Entre automutilation et anorexie, leurs corps portent les stigmates des fêlures, meurtrissures et autres non-dits de leur prime jeunesse. Face à cela, les uns et les autres (leurs parents en première ligne) demeurent incapables d'éclipser leur profond malaise. De l'enfance à l'âge adulte, ils ne cessent de se frôler, de s'éloigner puis de revenir l'un à l'autre, sans jamais hélas, parvenir à se mêler. Est-ce à dire qu'à l'aube d'une vie, le hasard peut sceller une destinée à jamais ?
Dépouillée d'accents larmoyants et pathétiques, dénuée de pessimisme désespéré, l'écriture de Paolo Giordano, tantôt sèche, froide, presque clinique ; tantôt furtive, fugitive, presque en suspens, happe autant qu'elle dérange. D'où cet étrange et tenace sentiment mêlé de tristesse mélancolique et de regret doux-amer qui se déploie au fil des pages. Reste que pour son premier roman, le jeune auteur italien parvient à pénétrer, sans renforts psychologiques - pourtant dans l'air du temps - les ineffables et insondables affres de l'existence, offrant par là un regard personnel sur l'amitié et la différence. Un livre qui laisse dans son sillage de belles promesses.
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