Ce qu'on en dit...
Le Livre des Choses Perdues est certainement un des meilleurs romans de cette rentrée littéraire 2009. John Connolly met en place une thématique du deuil, de l'absence de l'être cher et exprime toute la complexité psychologique qui en résulte pour l'enfant. On le comprend bien au tout début du livre. David invente des petits gestes quotidiens, des rituels qui permettraient de sauver sa mère. Hélas David s'aperçoit que l'on ne peut rien faire face à la vie, au destin et à la mort. On ne peut y échapper. Dès lors il se rattache à ce que sa maman adorait par dessus tout: les livres qui lui offrent une réalité alternative, un moyen expiatoire à la souffrance.
Il se réfugie dans un univers merveilleux, où le fantastique est parsemé de cruauté, une image à l'échelle de la réalité, du monde des adultes. John Connolly développe le monde des contes de fées, il les réinvente afin qu'ils collent à cet univers violent. Le Petit Chaperon rouge, La gardeuse d'oie, Blanche-Neige et les sept nains, Hansel et Gretel n'enchantent plus et révèlent le côté sombre des angoisses enfantines, des peurs de l'abandon. Côtoyant les trolls, les harpies, le Sire-Loup et des personnages aux registres mythologiques,David évolue dans son propre conte, sorte de catharsis à tout ce qu'il a vécu. Fruit d'une imagination tourmentée par des sentiments contradictoires: l'amour, la colère, le sentiment d'être remplacé; ce monde qui se présente à lui est l'expression d'un apprentissage dudeuil et du changement. Voyage initiatique aux accents métaphoriques, Le Livre des Choses perdues exprime ce qu'il y a de plus complexe dans la psychologie enfantine: la confrontation du bien et du mal, représenté par l'Homme Biscornu, métamorphose du diable qui pousse à la tentation, celle de céder à la facilité.
On s'aperçoit qu'il est plus dur pour David de résister que de céder à la facilité, à cette colère qui le fait renier son demi-frère. Véritable plongée au coeur des émotions adolescentes, ce roman offre de multiples pistes de réflexion. Mené avec brio, il est évocateur, symbolique et spirituel. John Connolly ne s'est pas contenté de détourner les contes originaux, il leur a donné une portée universelle et désenchantée: les sept nains sont des travailleurs sociaux qui en ont ras le bol d'être exploités alors que le petit chaperon rouge s'est offerte au loup pour engendrer un être hybride.
Bien qu'ayant des allures de conte, Le Livre des Choses perdues tient des propos extrêmement difficiles déliés par une écriture aussi subtile que pertinente; propos réalistes qui incitent à une vision authentique et percutante de la vie. Même si l'issue est heureuse, David poursuit sa route, grandit, devient un homme et il comprend vite que l'Homme Biscornu bien qu'affreusement cruel avait raison: la maladie, la vieillesse, la mort, la souffrance, la bêtise des adultes n'ont pas cessé. Pour David quitter l'enfance n'est pas synonyme de bonheur. Loin de toute naïveté et de toute insouciance, David rencontre également des thèmes forts: l'homosexualité, la sexualité, la métamorphose d'êtres hybrides qui ont perdu leur âme. John Connolly n'a certes pas écrit un livre destiné aux moins de 14 ans.Les images qu'il nous donne à voir sont effrayantes, choquantes et carrément flippantes. Mais Le Livre des Choses perdues a une telleforce évocatrice que l'on ne peut qu'apprécier ce côté torturé de l'écriture, à l'image du film Le Labyrinthe de Pan dans lequel on retrouve ces mêmes thématiques et ces mêmes créatures terrifiantes sur fond de guerre civile. Absolument grandiose, poignant en même temps qu'excellent.
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