Partie en Allemagne comme jeune fille au pair, Laura, à dix-sept ans, découvre tout d'abord qu'elle ne connaît pas si bien la langue de ce pays étranger. Puis c'est au tour de la famille qui l'accueille, un couple et deux enfants, de la troubler par leur simple mode de vie, leur comportement, leurs habitudes. Est-elle venue pour s'occuper des enfants, pour effectuer des tâches ménagères, pour parfaire cette langue ou tout simplement pour grandir enfin ? Elle est arrivée dans une famille banale qui paraît moins déchirée que la sienne, moins lourde de secrets et pourtant, peu à peu, Laura va affronter plusieurs mystères : mystère des origines, de la transmission. Elle aimerait tant déceler à travers ces personnages une vérité, un sens qui lui permettraient enfin de combler les vides et les silences de son adolescence interminable. Reconnaît-elle en s'attachant au seul garçon de la famille le petit frère qu'elle a perdu ? A-t-elle raison d'attendre avec autant de fièvre des nouvelles des siens restés en France ? Parce qu'elle retrouve chez le grand-père des enfants un exemplaire de Mein Kampf elle est prête à tirer des conclusions hâtives et ne peut s'empêcher ale lire ces pages frappées d'interdit qui la révulsent tout en la fascinant. La mère des enfants tombe malade. Le père semble se rapprocher de Laura chaque jour. Que recherche-t-il auprès d'elle ? Laura se demande quel est le prix à payer pour devenir une femme, affronter l'avenir, quitter cette maison pour rentrer dans la sienne.
Ce qu'on en dit...
On aime l'atmosphère étrange, légèrement inquiétante, qui vous saisit dès l'ouverture. Un port sur la mer Baltique, engourdi par l'hiver. Une grande maison isolée, à l'extérieur de la ville. Laura, 17 ans, s'apprête à passer six mois dans une famille allemande, comme jeune fille au pair. A 1 000 kilomètres de chez elle. L'exotisme des paysages, la résistance de la langue et des mots, la difficulté à trouver sa place dans l'intimité de cette famille d'adoption, tout concourt à lui donner l'impression de flotter, de se dissoudre dans la vie des autres. C'est sa voix que fait entendre l'auteur, une voix au présent de l'indicatif, infiniment proche, fragile, entêtante. Brigitte Giraud s'attache aux détails, traque les instants qui dérapent, les silences qui s'étirent, les microévénements qui ouvrent sur des abîmes. Et le lecteur devine, au fur et à mesure des informations discrètement distillées, l'ampleur du désarroi de Laura, qui a fui les siens, fracassés par la mort accidentelle de son jeune frère. Et qui va bientôt se trouver revêtue d'une robe orange trop grande pour elle, celle de la mère de famille allemande...
Il n'y a guère d'action dans ce roman à la beauté mystérieuse. Juste la complexité banale de la vie, la violence de ses aléas, la fragilité des équilibres individuels et familiaux et le poids d'une histoire récente aux effets toujours délétères. Brigitte Giraud, avec une belle acuité de coeur et de regard, a l'art de tendre tous les fils au point de faire de son roman une sorte de lent et fascinant suspense. Roman d'un double deuil, celui d'un frère et celui d'une partie de soi-même, Une année étrangère, sous ses dehors miniaturistes, dégage une force et un souffle d'une rare intensité.
Telerama n° 3120 - 31 octobre 2009
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