Ce qu'on en dit...
Le livre de Richard Dawkins est de salubrité publique, mais il manque parfois de clairvoyance.
Ses critiques sur l'emprise excessive des religions dans nos sociétés sont très pertinentes.
Ses critiques sur la faiblesse des arguments en faveur de l'existence de Dieu (défini en tant qu'intelligence créatrice) le sont également, à une exception près : l'argument dit de "la complexité irréductible" ou de "l'improbabilité", seul argument vraiment sérieux en la matière, selon lequel l'ingéniosité extraordinaire des organes du vivant (oeil, aile, coeur, etc.) apparaît pour certains comme le fruit d'une conception très élaborée, et non d'une somme de mutations hasardeuses, fussent-elles soumises au tamis de la sélection naturelle, laquelle n'est après tout qu'un phénomène purement mécanique. Richard Dawkins reconnaît lui-même que "c'est effectivement un argument de poids"(p.120) et "qu'aux yeux d'un nombre étonnant de théistes, il est absolument imparable." (p.120). Mais il balaye cet argument avec beaucoup trop de légèreté.
Il prétend tout d'abord retourner l'argument de l'improbabilité contre lui-même en affirmant : "Si improbable statistiquement que soit l'entité que vous cherchez à expliquer en invoquant un concepteur, le concepteur lui-même doit nécessairement être au moins aussi improbable." (p.121) Mais c'est ignorer que Dieu, s'il existe, ne peut être considéré que comme une entité transcendante, incréée, et qui échappe donc par nature à toute causalité statistique. Et si cela a un sens d'appliquer le calcul des probabilités à l'émergence des êtres vivants, car c'est un phénomène physique, ce n'est évidemment pas le cas pour l'existence de Dieu, entité métaphysique par excellence.
Pour Richard Dawkins, la réponse miracle à l'improbabilité apparente de l'apparition des organes du vivant est la sélection naturelle, "processus cumulatif qui décompose le problème de l'improbabilité en petits éléments." (p.129) Mais que l'évolution parvienne à un organe tel que l'oeil de manière graduelle n'enlève rien à son improbabilité, car ce n'est pas une question de degré, mais de nature. Si beaucoup de scientifiques persistent à douter du pouvoir d'explication du couple hasard/sélection naturelle, c'est parce qu'il est purement mécanique et aveugle, et qu'il ne leur paraît pas possible qu'un mécanisme aveugle produise quoi que ce soit d'intelligent...
Dawkins déplore que l'évidence explicative de la sélection naturelle ne saute pas aux yeux de tout le monde, mais il ne s'interroge pas pourquoi. Car ce ne sont pas seulement des croyants obtus que cette explication ne convainc pas, mais aussi des personnes qui, comme moi, ne sont affiliées à aucune religion, ne nient pas l'évidence de l'évolution mais s'interrogent de bonne foi sur ses mécanismes profonds. Au bout du compte, ce qui fait cruellement défaut pour trancher ce débat, où ce ne sont que paroles contre paroles, convictions contre convictions, ce qui pourrait enfin permettre à Dawkins de convaincre les sceptiques, ce sont des preuves expérimentales éclatantes. Il faudrait donc pouvoir imaginer des expériences significatives portant sur le hasard - réel ou supposé - des mutations génétiques, et sur la capacité - réelle ou supposée - de la sélection naturelle à engendrer de l'intelligence. Il y aurait là à l'évidence un nouveau terrain d'investigation extrêmement passionnant, que Dawkins, soucieux de conforter ses thèses, pourrait peut-être explorer...
Xavier Quentin
Auteur de "L'évolution est-elle l'oeuvre de Dieu ? - Dialogue scientifique et philosophique"
Ses critiques sur l'emprise excessive des religions dans nos sociétés sont très pertinentes.
Ses critiques sur la faiblesse des arguments en faveur de l'existence de Dieu (défini en tant qu'intelligence créatrice) le sont également, à une exception près : l'argument dit de "la complexité irréductible" ou de "l'improbabilité", seul argument vraiment sérieux en la matière, selon lequel l'ingéniosité extraordinaire des organes du vivant (oeil, aile, coeur, etc.) apparaît pour certains comme le fruit d'une conception très élaborée, et non d'une somme de mutations hasardeuses, fussent-elles soumises au tamis de la sélection naturelle, laquelle n'est après tout qu'un phénomène purement mécanique. Richard Dawkins reconnaît lui-même que "c'est effectivement un argument de poids"(p.120) et "qu'aux yeux d'un nombre étonnant de théistes, il est absolument imparable." (p.120). Mais il balaye cet argument avec beaucoup trop de légèreté.
Il prétend tout d'abord retourner l'argument de l'improbabilité contre lui-même en affirmant : "Si improbable statistiquement que soit l'entité que vous cherchez à expliquer en invoquant un concepteur, le concepteur lui-même doit nécessairement être au moins aussi improbable." (p.121) Mais c'est ignorer que Dieu, s'il existe, ne peut être considéré que comme une entité transcendante, incréée, et qui échappe donc par nature à toute causalité statistique. Et si cela a un sens d'appliquer le calcul des probabilités à l'émergence des êtres vivants, car c'est un phénomène physique, ce n'est évidemment pas le cas pour l'existence de Dieu, entité métaphysique par excellence.
Pour Richard Dawkins, la réponse miracle à l'improbabilité apparente de l'apparition des organes du vivant est la sélection naturelle, "processus cumulatif qui décompose le problème de l'improbabilité en petits éléments." (p.129) Mais que l'évolution parvienne à un organe tel que l'oeil de manière graduelle n'enlève rien à son improbabilité, car ce n'est pas une question de degré, mais de nature. Si beaucoup de scientifiques persistent à douter du pouvoir d'explication du couple hasard/sélection naturelle, c'est parce qu'il est purement mécanique et aveugle, et qu'il ne leur paraît pas possible qu'un mécanisme aveugle produise quoi que ce soit d'intelligent...
Dawkins déplore que l'évidence explicative de la sélection naturelle ne saute pas aux yeux de tout le monde, mais il ne s'interroge pas pourquoi. Car ce ne sont pas seulement des croyants obtus que cette explication ne convainc pas, mais aussi des personnes qui, comme moi, ne sont affiliées à aucune religion, ne nient pas l'évidence de l'évolution mais s'interrogent de bonne foi sur ses mécanismes profonds. Au bout du compte, ce qui fait cruellement défaut pour trancher ce débat, où ce ne sont que paroles contre paroles, convictions contre convictions, ce qui pourrait enfin permettre à Dawkins de convaincre les sceptiques, ce sont des preuves expérimentales éclatantes. Il faudrait donc pouvoir imaginer des expériences significatives portant sur le hasard - réel ou supposé - des mutations génétiques, et sur la capacité - réelle ou supposée - de la sélection naturelle à engendrer de l'intelligence. Il y aurait là à l'évidence un nouveau terrain d'investigation extrêmement passionnant, que Dawkins, soucieux de conforter ses thèses, pourrait peut-être explorer...
Xavier Quentin
Auteur de "L'évolution est-elle l'oeuvre de Dieu ? - Dialogue scientifique et philosophique"
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