Deux fois primé à sa sortie en Angleterre, en 19971, Junk sort pour la première fois en poche en France, dix ans après la première traduction. On ne peut que s’en réjouir : ce roman, inspiré de faits et de personnes réelles, est un ouvrage de référence sur ce sujet sensible qu’est la toxicomanie chez les adolescents ou les jeunes adultes. S’il est souvent comparé àL’Herbe bleue ou à Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée2, c’est sans doute parce qu’il se présente sous la forme de témoignages : chaque chapitre nous est raconté par l’un ou l’autre des personnages, en fonction de leur présence et leur importance à cet endroit du récit. Les interprétations parfois divergentes d’un même évènement et les diverses personnalités des narrateurs facilitent notre compréhension de ce thème ardu que Melvin Burgess a choisi d’explorer.
Mais la véritable force de ce roman ne se situe pas dans le talent d’écriture de son auteur, même si on apprécie l’adresse avec laquelle Burgess saute d’un personnage à l’autre et adapte sa narration à leur évolution. Non, ce qui rend ce roman intéressant, c’est qu’il sort des sentiers battus. À la différence d’autres livres ou films sur le même thème, on ne cherche pas simplement à nous dire ici que la drogue, c’est mal. Par le biais de Nico, d’abord horrifié à l’idée que Gemma a pris de l’héroïne, puis qui essaie pour lui faire plaisir et se retrouve au fil des pages, des mois, des années, plus accro qu’elle, prêt à lui mentir ou à la voler pour se shooter, Burgess nous montre plus qu’une descente aux enfers : comment la drogue peut devenir une évidence.
« C’était une véritable histoire d’amour. Gemma, moi et la dope. Je n’imaginais pas qu’elle puisse se terminer. Ça a été la plus grande aventure de ma vie », conclut Nico, dans le dernier chapitre du roman. Deux ans après avoir quitté Bristol, Nico, bien que sevré, sait qu’il peut replonger à tout moment. Parce que c’était une histoire d’amour. Parce qu’il aime toujours Gemma. Parce qu’il aime toujours l’héroïne. Malgré tout ce par quoi il a dû passer à cause d’elle. Le manque, le deal, la prison. Une histoire d’amour à laquelle il a mis un terme sans conviction, comme son père avec la boisson. Parce qu’il le fallait, pas parce qu’ils en avaient envie. Le rapprochement entre le père et le fils, à la fin du roman, est assez évident. Même si l’un ne boit plus que du thé et l’autre ne prend plus que du paracétamol, le père aime toujours autant sa bouteille et le fils sa seringue. Et c’est en ça que ce roman nous raconte bien plus qu’un simple drame contemporain. Il ne raconte pas une histoire d’addictions ; il raconte une histoire d’amour, dangereuse et destructrice. Et bien plus qu’un témoignage, qui titille notre besoin de sensations et de voyeurisme, le roman de Burgess, avec pudeur, éveille notre compréhension, notre compassion. Un roman qui laisse des cicatrices, moins visibles mais plus durables que des traces de piqûres.
Je trouve cette critique tout à fait juste.
RépondreSupprimerLa dernière phrase est magnifique ♥